Penser Soi, est Pensée de l’Univers
Dans la seconde édition de son Essai sur le chamanisme, (Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase (Paris, Payot, 1988), Mircea Eliade ajoute un épilogue où il établit une filiation entre les créations verbales des chamans et le langage poétique. Le dialogue ainsi amorcé entre l’histoire des religions et la littérature moderne repose sur l’idée que la transe chamanique se perpétue dans la création littéraire. Selon Eliade, en préparant sa transe et lors de celle-ci, le chaman utilise un « langage secret », qu’il considère comme un véritable modèle du langage poétique. Celui-ci contribue avec la danse et la musique à faire de la séance chamanique un spectacle total auquel participe l’assistance…
Toute poésie, affirme-t-il est un « effort pour recréer le langage, en d’autres termes abolir lе langage courant de tous les jours, et inventer un nouveau langage, personnel et privé; en dernière instance, secret… Voilà qui rappelle étrangement le comportement: du « primitif » et de l’homme des sociétés traditionnelles. » Ce sont, mot pour mot, les termes de l’épilogue et l’essentiel de son argumentation (Le chamanisme, p.397).
Virage, Voyage
Traverse le fin sillage
Et, Vois !
Les ponts de Feu et de Vent
La science de l’éther initie le Voyage
Dans la yourte le feu crépite
Soleil miniature, astre portatif
Astre de vie, astre de chair
Écoute, écoute le tambour
Cercle de peau, cercle de souffle, il s’anime
Chaque battement est plus que simple son
Ecoute le cheval du ciel
C’est le sabot frappant Terre-Mère
Ecoute l’aile qui bat dans la nuit !
C’est l’aile de l’Oiseau frappant le ciel
Le rythme s’enfonce dans mes veines
Descend dans les os de la Mère
Creuse dans ma conscience une fissure
Où s’engouffre la toute Lumière
Elle parle à mon Cœur le langage des rayons
Au cœur de la yourte, le feu s’élève
Au cœur du feu, l’espace s’ouvre
Au cœur de l’espace, je passe
Et le monde indocile se déchire
Comme vieille écorce de l’arbre-monde
Et je chevauche le cheval-tambour
Son galop m’entraîne dans les tunnels éclatants
Couloirs de feu violet, gouffres d’ardents abîmes
Veines d’étoiles reliant mondes à mondes
Ponts de lumière, tunnels de feu
Ponts d’Einstein, veines d’étoiles
Je les traverse comme l’éclair
Et les franchis comme le souffle
Les sages modernes parlent de ponts d’Einstein–Rosen
Mais dans ma transe ce sont des artères cosmiques
Des gorges étirées où palpite la sève active des univers
Je franchis, je traverse et virage
Et soudain, le silence s’emplit d’êtres
Esprits sans visage qui parlent en moi
Cristaux chantant comme cloches mélodieuses
Forêts qui respirent et marchent dans l’onde des astres
Arbres aux racines de feu et feuilles de lumière
Esprits du vent, du torrent, du soleil vif et nu
Ils me disent : « Tu n’es pas seul
Tu es fille des mondes
Tu es reflet des mondes
Et ton chant est leur chant. »
Et viennent en Cœur
Les mondes d’eau et de pierre
Les mondes d’arbre et de vent
Les mondes où les couleurs chantent
Où les sons deviennent formes
Tout vibre, tout murmure
Et leur voix n’est ni langage, ni parole
Mais étincelante musique de couleurs
Arc en un ciel sonore et palpitant
Et Tout s’ouvre dans le creuset de mon être
Alors je sais, car Vois
Mes entrailles lucides pénétrées de pics en abîmes
Voyagent l’univers, vivante plénitude
Il est chair et souffle
Il est forêt animée
Peau vibrante saturée de vie
Vie perlée d’instants de toutes les artères du cosmos
En elles, le Voyage devient le lieu discret des univers unis
Et la perle miroite les mondes
Et les mondes sont la perle
Les Mondes se rencontrent et me pénètrent
« Je » deviens corps-mondes
Au-delà du premier passage
Au centre de ce labyrinthe de sphères et d’âmes
Surgit la boucle violette du Temps
Serpent enroulé, cercle d’éternité
La tête et la queue de la vrille colossale s’embrassent
Dans l’appel indigo de l’étincelle-monde
Commencement et fin unis en un même point
Repliée en elle-même, la spirale s’ouvre
Et en l’instant, enfante son propre commencement
Je plonge en elle, et l’instant se déploie
Le passé, le futur, tout se dissout
Dans un présent unique
Éternel comme le battement de Tambour
Ardente scansion du Cœur
Mon corps vibre comme pulsation de mondes
Je vois le Temps se replier
Passé et futur sont un seul instant
Instant sans fin, instant sans début
Instant témoin, instant vivant
Et dans ce passage de temps vivace
Dans le tunnel, luminescence violette, des ailes se déploient
L’oiseau géant paraît
Plumes constellées d’étoiles
Yeux de braise qui percent les ténèbres
L’Aigle descend
En ses ailes constellées de soleils saillants
Il me prend, il m’élève, il m’ouvre
C’est l’Aigle des hauteurs
Celui que mes ancêtres nommaient l’ami du ciel
Il me prend sur son dos
Et son vol d’opale fend les spires du temps
Mon corps s’éveille à la vibration accrue
Croissance verticale étreint les veines de ma chair
Le souffle s’amplifie
Le chant de la Vie m’embrase
Le Renne blanc s’avance
Ses bois, antennes de lumières portent les galaxies
Chaque ramure porte en elle un monde unique
Il court sur les sentiers invisibles comme l’air sur la neige
Et ses sabots résonnent comme tambour sacré
Je le suis
Et deviens souffle de Renne
Des formes innombrables m’accueillent
Chaque monde discret est peau tendue de tambour
Tension de mondes
Tensions du monde-peau
Chaque peau adopte sa vibration-monde
L’un résonne de minéraux aux facettes miroitantes
L’autre bruisse d’arbres dont les branches sont des éclairs figés
Et le puissant rythme de Tambour-Terre
Pulse et s’accorde à ces myriades de fréquences
Ces esprits ne sont pas des illusions
Ils sont mes compagnons
Mes guides dans la forêt cosmique
Dans le chamanisme sibérien
Le voyage ne se fait jamais seul
L’homme est faible, l’animal est fort
Et c’est en s’unissant à lui
Que la conscience franchit l’aube des seuils
Certains mondes semblent vides
Mais leur silence solaire est pur souffle sacré
Un silence qui nourrit l’âme comme le lait de la nuit
D’autres débordent d’êtres polymorphes
Silhouettes de pierre ornées de fleurs de feu
Esprits-vents qui rient en se métamorphosant
Eaux conscientes qui se lèvent comme serpents de cristal
Intensément
Ils me regardent sans yeux
Ils me parlent sans bouche
Leur chant pénètre ma poitrine comme l’écho oublié des profondeurs
Un souvenir qui n’appartient pas à cette vie de Terre
Guidée par l’Aigle et le Renne
Je vois paraître l’Arbre immense
Arbre du Monde, axe du ciel, liant des Trois Mondes
Ses racines plongent dans l’obscurité des ancêtres
Son tronc traverse la Mère
Sa cime embrasse les cieux aux regards éclairés
Ses branches sont ponts
Ses feuilles sont mondes
Ses fruits sont univers naissants
Ô Arbre, je t’escalade
Je franchis tes nœuds
Je marche tes cercles
Chaque cercle est boucle
Chaque boucle est chant
Chaque trou de ver, chaque passage
N’est qu’une nervure de cet Arbre cosmique
Ses branches sont des ponts d’Einstein–Rosen
Ses feuilles des galaxies
Ses fruits des multivers en gestation
Dans les chants sibériens
L’Arbre du Monde est tambour et cosmos
Mémoire des peuples et axe de tous les Voyages
Je l’escalade comme une corde de lumière
Et chaque nœud que je franchis
Ouvre une boucle de Temps
Au sommet de l’Arbre
L’univers entier devient Maître-tambour
La peau tendue est le voile du réel
Le battement est le cœur des mondes
Et je comprends
Je ne suis pas simple visiteuse
Je suis artisan des univers
Je ne suis pas étranger
Je suis co-tisserande
Chaque vision que je porte
Chaque souffle que je prends
Entre dans la grande tapisserie cosmique
Dans le chamanisme, le praticien n’observe pas
Il répare, équilibre, dialogue
Le voyage est un acte
Vive offrande à l’harmonie des mondes
Le chant me traverse
Le chant me façonne
Et ma voix devient la Voix de mes ancêtres
Tambour, tambour, cheval de feu
Ramène-moi au foyer
Ramène-moi au cercle des vivants
Ma conscience devient flamme
Ma flamme devient mot
Et le mot devient chant.
Ce chant n’est pas le mien
C’est celui de la Source
Elle parle le chant-monde à travers moi
Peu à peu, le tambour ralentit
Le galop s’apaise
Les ailes se replient
L’Arbre s’efface
Les tunnels de lumière se ferment
Comme paupières fatiguées
Mon esprit réintègre la Mère
Lentement, je retombe dans mon corps de terre
Assise dans la yourte, le feu crépite encore
La peau de Maître-tambour est tiède sous mes paumes
Mais en moi résonne encore la boucle violette
Chant des mondes-unis
Et promesse d’univers vivants
Le cercle violet brille encore
Il brille en moi
Il brille en Tout
Écoute, écoute le tambour
Chaque battement est fin passage
Chaque souffle est monde gorgé d’ondes
Chaque vision est première naissance
Je ne voyage pas en étrangère
Chaque monde me reconnaît
Comme une fille qui revient au foyer
Je ne suis pas voyageuse
Mais témoin primordiale
Comme aimée de l’onde nourrie d’ondes
Le monde naît devant mes yeux
Et son premier souffle est un chant.
Un chant qui n’est pas seulement entendu
Mais vu, goûté, respiré
Un chant synesthésique qui façonne l’étoffe du réel
Et son message se tisse en moi
Comme fils de lumière
Et je vois
Je vois l’avenir de notre Terre
La fragilité de ses souffles
Mais aussi sa puissance cachée
Sa vocation de graine cosmique
Elle enveloppe les mondes dans sa robe tissée d’astres clairvoyants
Univers ailés de silence et de fébriles paroles
En moi, je les accueille en mon Coeur
Ils sont mon âme et ce corps qui les habite
Et je sais
Chaque battement à venir
Ouvre de nouveau la voie
Une pleine vacance nourrie des Ailleurs-Mondes
La Voie du Tisserand Cosmique
Je ne voyage pas comme différente
Ni ne traverse comme curieuse
Mais suis appelée et liée
Comme tisserande dans le grand tissu de l’Âme-Monde
Chaque battement de mon tambour
Est un pas sur le dos du cheval sacré
Chaque son réveille les fibres du monde
Chaque vibration retend les fils invisibles
Je dénoue les nœuds des souffrances
Accompagne les âmes pour le Voyage
Raccommode les failles du temps
Rattache les vents aux montagnes
Relie les eaux aux sources
Voyage pour que l’homme se souvienne
Voyage pour que la terre respire
Voyage pour que le ciel se souvienne de l’homme
Car l’univers n’est pas spectacle
Il est alliance
Il est vivant contrat
Il est souffle partagé
Je suis co-acteur du monde
Témoin et acteur
L’aiguille et le fil
Le chant qui répare la Toile-Univers
La voie qui tisse les mondes
Le monde qui tisse le temps
7 – Esprits de la nature
Doux Esprits de la nature
Inspire, Respire et Ouvre !
Ainsi au seuil de la Porte
Par l’air, leur corps transparaît
Et belle âme alors nommée
Se gorge du Cœur de Feu
Dans le silence du triangle
Si adroitement placé
Dans le creux rond de ma paume
Soufflent les trois mondes aimés
De l’épée de l’Archange
Attentive et emplie de ces douces plénitudes, l’âme offre à l’avenir Guérison par le souffle en croix. Car vers le Ciel tendu, il contemple et rêve dans le sein de la Terre. En son centre parfait, l’Union toute première se fait et devient perle de l’Univers où toute connaissance muette se love. Cette communion en l’Instant unique se fait par belle attention aux petits gestes du quotidien et grand amour pour le simple des jours. Ainsi dans l’espace du dedans se déplie en toute transparence le Temple des Cieux. Le Temple en l’Homme en est le miroir poli.
Et lors de leur commune respiration, le battement de leurs deux cœurs s’aligne pour que s’ouvre la porte close du bel Édifice encore assoupi.
Inspire, Respire et Ouvre !
Pour elle, pour les âmes de tous les vivants de Gaïa, Guérison par la chaleur du souffle offre grand nettoyage des scories intimes, des plus fines aux plus lourdes. Ces écueils du dedans, nourris du Mental à la science si confuse et diffuse, empêchent l’âme de percevoir Claire Lumière, de l’entendre et l’intégrer pour l’offrir aux Vivants de Gaïa.
Le bien et le lent respire est Essence-ciel mouvement à la reliaison de nos trois mondes : le dense, le psychique et le subtil. Le but est de ne plus les différencier, car en l’Unité Une, leur cause fut agencée. Et par elle, doit de nouveau être ordonnée pour que l’âge des temps épanouis rejoigne sa calme et première demeure.
Hommes ! Il est temps maintenant de quitter votre tombe pour que le Passage se fasse et advienne le Jardin espéré. Car c’est en ce monde-là qu’il refera surface et de sa fontaine claire, baignera en ses quatre rivières les âmes des pas perdus. Et ainsi doucement dans le creuset fin des bras bleutés de votre famille céleste, vos âmes, de tout temps seront bercées.
Clair Ether, POUR BIEN VIVRE CE TEMPS DES EXTRÊMES
Aspire le Souffle de l’Archange,
Tome I, Prières pour la guérison du Cœur
Editions Nombre7, octobre 2023, pp. 131-132
20 – Totem Aigle-Loup
C’est avec silence que marche la plume de l’aigle
C’est avec silence que s’envole la cuisse du loup
En une farandole leur âme Une s’ébroue
Et dévisage le temps où niche le monde
Chaque cime du voyage admire leur passage
Où de profondes vallées s’ouvrent en corolles
Pour que demeure net l’axe nu des virages
D’ici et d’ailleurs, car le mince glissement de l’Éclat
Rebondit sur les routes du Ciel où perchent
Les âmes nobles de larges regards éveillés
Que le papillon vif perçoit comme jumelles
Et gardiennes de toute fertile Promesse à naître
Comme Rose d’Hiver détient les qualités de l’écume
En son humble graine à nulle autre pareille
Porteuse de l’éternelle écaille, la fleur attend
En son nid merveilleux, la pure rosée du Jour
Le matin de Renaissance exquise est venu
En l’émotion profonde là tant attendue
Elle s’éveille auprès de ma mémoire longue
Et attentive, observe le Nouveau Chemin
Chaque pas s’aventure en cette ellipse oblongue
Où le séjour de larges ailes alanguies écoute
La Bien-aimée de l’ange semeuse aux quatre vents
La toute promise Messagère qui offre l’écho
D’une rivière voyageuse parmi les sources
D’une cime qui accroche sa lance à la voûte
Fissurée du Ciel pour qu’en cette béance nue
Perce le sourire des aigles et la course du loup.
Clair Ether, POUR BIEN VIVRE CE TEMPS DES EXTRÊMES
Aspire le Souffle de l’Archange,
Tome I, Prières pour la guérison du Cœur
Editions Nombre7, octobre 2023, pp. 183-184
